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Histoire générale du XVIe arrondissement de Paris

Le XVIe arrondissement de Paris, l’un des plus étendus et des plus peuplés de la capitale, s’étend sur la rive droite de la Seine depuis la Porte de Saint-Cloud, au sud, jusqu’à l’Étoile et à l’avenue de la Grande-Armée, au nord. Il est divisé en quatre quartiers : Auteuil, la Muette (Passy), la Porte Dauphine et Chaillot.

Le Mur des Fermiers Généraux, enceinte uniquement fiscale, achevé en 1787, englobait déjà le quartier de Chaillot, ancien Faubourg de la Conférence depuis 1659, qui fut rattaché en 1702 au cinquième quartier de Paris. Cette région s’étendait depuis la barrière des Bonshommes (ou de Passy), c’est-à-dire de la rue Beethoven actuelle, jusqu’à la barrière de l’Étoile, située en haut de l’avenue des Champs-Élysées actuelle. Quant aux anciens villages d’Auteuil et de Passy, ils faisaient partie des 24 communes limitrophes de Paris, dans lesquelles, depuis la loi du 14 décembre 1789, une administration municipale avait remplacé l’ancienne administration paroissiale. Ces deux villages furent rattachés à Paris le 1er janvier 1860.

La commune de Passy, dont la plus grande partie fut donc rattachée à Paris en 1860, était séparée de celle d’Auteuil par les rues de Boulainvilliers et de l’Assomption. Le village de Passy était désigné au Moyen-Âge par le nom de Passiacum (terre de Passius ou bien de Pacius), nom mentionné pour la première fois dans une Charte de 1250. C’est de Passy que Philippe le Bel date en 1312 son ordonnance accordant aux 300 aveugles des Quinze-Vingts le droit de porter une fleur de lis sur leur cotte pour les distinguer des autres aveugles. Charles V autorisa les habitants de Passy à clore de murs leurs champs et à tuer les lapins qui ravageaient leurs récoltes.

Passy fut érigé en seigneurie au XVe siècle : le premier seigneur justicier fut, en 1416, Jeanne de Maillard, dame de Passy, et le dernier fut Gabriel-Henri Bernard, marquis de Boulainvilliers, qui fut prévôt de Paris de 1766 jusqu’à la Révolution. La population de Passy dépendait de la paroisse d’Auteuil, qui était assez éloignée. Aussi, en 1666, Claude Chahu, Conseiller du Roi, Trésorier Général des Finances et seigneur de Passy, obtint de l’archevêque de Paris la faveur d’ériger une chapelle qui fut Notre-Dame de Grâce, et en 1672 le village de Passy était érigé en paroisse distincte et indépendante.

L’essor de Passy fut d’abord assez lent (1 000 habitants en 1700, 1 700 habitants en 1800, 2 300 en 1807 et 17 500 en 1856, date du dernier recensement avant l’annexion). À partir de 1825, la plaine de Passy, située au nord de l’ancien village jusqu’au bois de Boulogne et à l’avenue de la Grande-Armée, se transforme en un nouveau quartier qui deviendra celui de la Porte Dauphine. La prospérité de Passy, qui bénéficiait déjà du voisinage du château de la Muette, où la cour venait séjourner et de la présence de nombreuses carrières exploitées, commença par la découverte des eaux thermales en 1719, qui connurent une grande vogue jusqu’en 1785, puis sous le Directoire, et ne furent plus exploitées ensuite qu’au ralenti jusqu’en 1868 (32, quai de Passy et rue des Eaux). La plus vieille maison de Passy est située au 13 de la rue Franklin et fut construite par les Bonshommes de Chaillot en 1771. Les anciennes rues de Passy sont : la rue de Passy (ex-Grande-Rue), la rue Raynouard (ex-rue Basse), la rue Nicolo (ex-rue des Carrières), la rue de l’Annonciation, la rue de la Tour, la rue Scheffer, la rue Beethoven (ex-rue de la Montagne), la rue Vineuse, la rue Berton (rue de Seine + rue du Roc).

Hôtel de Valentinois

Hôtel de Valentinois

Parmi les anciennes propriétés de Passy, pour la plupart aujourd’hui disparues, on peut citer :

  • l’hôtel de Valentinois, où résida Franklin pendant plusieurs années (1777-1785) [1] ;
  • l’hôtel de Lamballe, la princesse fut massacrée le 3 septembre 1792 [2] ;
  • le château seigneurial de Passy (ou de Boulainvilliers) acquis en 1658 par Claude Chahu, puis en 1722 par le financier Samuel Bernard, qui contenait 8 ha de parc (dessiné par Le Nôtre) au nord de la rue Raynouard, et 5 ha de potager entre la rue Raynouard et le quai. Il fut cédé à vie, en 1747, au fermier général Alexandre Le Riche de la Pouplinière, qui y mena une vie brillante. C’est dans ce château que la marquise de Boulainvilliers recueillit, en 1766, une enfant de huit ans, Jeanne de Valois-Saint-Rémy qui devait devenir célèbre sous le nom de comtesse de la Motte (affaire du collier de la Reine Marie-Antoinette).[3]
Château de Passy

Château de Passy

  • l’hôtel de la Folie (16, rue de Passy) où fut logée mademoiselle de Romans, maîtresse de Louis XV, en 1761, et dont le fils fut le seul bâtard de Louis XV à porter le nom de Bourbon.
Hôtel de la Folie

Hôtel de la Folie

  • le château de la Muette (de « meute » ou de « mue » des cerfs), devenu en 1615 une propriété de la Couronne après avoir été celle de la Reine de Navarre (Margot), fut vendu en 1702 à Fleuriau d’Armenonville qui le revendit en 1716 au Régent pour sa fille la duchesse de Berry, puis, après la mort de celle-ci à Louis XV qui le mit à la disposition de ses maîtresses : la comtesse de Marly. la duchesse de Châteaufort et madame de Pompadour. Louis XVI en fit une résidence familiale et Marie-Antoinette y séjourna de 1770 à 1786 avec la duchesse de Polignac.
Château de la Muette

Château de la Muette

Ce domaine était considérable et comportait de nombreuses dépendances, en particulier la fameuse faisanderie. Devenu bien national en 1792, il fut divisé en deux lots, dont l’un fut démoli et dont l’autre devint la propriété du facteur de pianos Érard en 1818 jusqu’à sa mort en 1831. Son dernier propriétaire fut le comte de Franqueville, époux d’une nièce de madame Pierre Érard, et cette propriété fut morcelée à sa mort en 1920. Rappelons que la première ascension aérostatique eut lieu dans le parc du château de la Muette en 1783 en présence de la famille royale, de la Cour, de Franklin, etc. Cette montgolfière, dans la nacelle de laquelle avaient pris place Pilâtre de Rozier et le marquis d’Arlandes, atterrit vingt minutes plus tard à la Butte aux Cailles.

1783 - Première ascension aérostatique dans le parc du château de la Muette

1783 – Première ascension aérostatique dans le parc du château de la Muette

Parmi les notabilités ayant habité Passy, on peut citer entre autres :

  • la comtesse de Genlis, gouvernante des enfants du duc d’Orléans Philippe Égalité ;
  • Jean-Jacques Rousseau qui y composa en 1751 le Devin du Village ;
  • les compositeurs Puccini et Rossini, le fabuliste Florian, le chansonnier Bérenger, le général Moreau, l’écrivain socialiste Joseph Proudhon ;
  • le banquier Benjamin Delessert fondateur en 1801 de la première raffinerie de sucre de betterave en France, et ses deux frères ;
Benjamin Delessert

Benjamin Delessert

  • le romancier Honoré de Balzac qui y habita de 1841 à 1847 (Maison de Balzac) ;
  • Jules Janin, le comte de Las Cases, etc.

enfin André Chénier qui fut arrêté chez des amis rue des Vignes le 7 mars 1794.

C’est vraisemblablement au voisinage du pont Mirabeau actuel que Labiénus, le lieutenant de Jules César, franchit la Seine en l’an 52 avant J.-C. pour attaquer et battre dans la plaine de Grenelle les troupes gauloises de Lutèce commandées par le vieux chef Camulogène. Une trace de ce passage fut d’ailleurs découverte en 1886 sous l’allée des Cygnes : une longue barque creusée dans un tronc de chêne. On avait aussi auparavant mis à jour les restes d’un aqueduc romain conduisant les eaux ferrugineuses d’Auteuil à un établissement thermal situé dans le jardin actuel du Palais Royal.

C’est vers l’an 600 qu’une première agglomération se forma sur un monticule de la forêt de Rouvray, la colline de Chaillot : ce fut le village de Nigeon qui déborda sur les versants nord et ouest et ceux-ci formèrent l’un le futur village de Chaillot, et l’autre appelé Altogilum, le futur village d’Auteuil.

Jusqu’en 1109, les terres d’Auteuil appartinrent à l’abbaye normande du Bec-Hellouin qui les échangea contre d’autres terres possédées à Vernon par l’abbaye de Sainte-Geneviève. Les abbés de Sainte-Geneviève furent donc les seigneurs d’Auteuil depuis 1110 jusqu’à la Révolution. Les collines d’Auteuil étaient riches en vignobles dont les vins se vendaient jusqu’en Danemark.

En 1343, le hameau des Menuls, situé dans la forêt de Rouvray, se sépara d’Auteuil et devint le village de Boulogne. Auteuil ne comptait encore que 70 feux en 1651, mais il commença à retenir l’attention des Parisiens par la proximité du bois de Boulogne et la présence d’eaux ferrugineuses découvertes en 1628 par un médecin de la Cour, Habert d’Orgemont. Sa situation sur les routes de Versailles à Paris et à Saint-Denis le favorisait ainsi que l’existence d’un coche d’eau reliant Paris à Saint-Cloud qui s’arrêtait à Passy et à Auteuil.

Un second démembrement d’Auteuil eut lieu en 1672 avec la création de la paroisse de Passy. C’est alors que commença la construction de nombreuses maisons de villégiature pour les Parisiens, et sa population passa de 1 000 habitants en 1800 à 8 000 habitants en 1860, date de son annexion par Paris. Par la suite cette croissance ne fit que s’accentuer avec les lotissements et percements de nouvelles rues sous le Second Empire (Haussmann).

En 1860 les trois principales rues du village d’Auteuil étaient la rue de la Fontaine qui le reliait au village de Passy, la Grande rue, prolongée jusqu’à la Seine par la rue Molière (av. Théophile Gautier et rue de Rémusat actuelles), qui conduisait au bois de Boulogne, et enfin la rue Boileau (ex-rue des Garennes) qui allait jusqu’à la Porte de Saint-Cloud. Les rues des Perchamps, Pierre-Guérin et du Buis sont également de très anciennes rues du village d’Auteuil. Auteuil souffrit de la guerre de 1870-1871 et de la Commune et subit plusieurs bombardements de la part des Versaillais qui pénétrèrent dans Paris par la rue d’Auteuil.

Ancienne église-d'Auteuil

Ancienne église-d’Auteuil

Les carrières exploitées aux XVIIe et XVIIIe siècles fournirent la pierre de construction de ses maisons et l’argile plastique utilisée par des poteries et des tuileries. L’ancienne église d’Auteuil du XIe siècle, reconstruite au XIVe siècle, fut remplacée en 1877 par l’église actuelle, dont le clocher comporte une des anciennes cloches fondue en 1565. Le premier cimetière d’Auteuil, qui se trouvait devant l’église, fut supprimé en 1793 et transféré rue Claude Lorrain. Il n’en reste plus à l’heure actuelle que le monument d’Aguesseau (colonne pyramidale de porphyre) érigé en 1753 sur l’ordre de Louis XV.

Parmi les anciennes demeures célèbres du village d’Auteuil, pour la plupart aujourd’hui disparues, on peut citer les suivantes :

  • l’hôtel de Choiseul-Praslin, qui se trouvait 67 avenue Théophile Gautier.
  • La maison de Molière qui se trouvait vraisemblablement 2 rue d’Auteuil.
Maison de Molière - Village d'Auteuil

Maison de Molière – Village d’Auteuil

  • La maison du chancelier d’Aguesseau (au 4 rue Corot), puis de Destutt marquis de Tracy dont la fille épousa le fils de La Fayette en 1802 (Cabanis était témoin).
  • L’hôtel de la Ferme devenu le château Ternaux, propriété du fabricant de cachemires, puis ensuite l’Institution Notre-Dame d’Auteuil jusqu’en 1870, enfin le lycée Jean-Baptiste Say actuel.
Pavillon Ternaux - Village d'Auteuil

Pavillon Ternaux – Village d’Auteuil

  • L’hôtel de Puscher (ou Pérignon), édifié par le père du docteur Véron, passa en 1777 au fermier général Antoine Chardon, puis à Pierre Pérignon en 1800, puis à Chardon-Lagache en 1852 et à son fils qui y mourut en 1893. Cette propriété fut aliénée en 1895 par son dernier propriétaire le marquis de Casa-Riéra. L’hôtel remanié au XVIIIe siècle existe toujours.
  • L’ancienne Auberge du Mouton Blanc, où se réunissaient Molière, Racine, Boileau, Chapelle et la Fontaine, sans oublier la Champmeslé et Ninon de Lenclos.
  • L’hôtel Antier ou des demoiselles de Verrières, construit en 1715 pour une cantatrice de l’Opéra, Mademoiselle Antier, passa ensuite à deux sœurs Geneviève et Marie Rainteau de Verrières, dont la seconde était la maîtresse officielle du maréchal de Saxe, puis du marquis d’Épinay qui lui offrit cet hôtel d’Antier. Marie de Verrières avait eu en 1748 du maréchal de Saxe une fille, Marie-Aurore, qui épousa un bâtard de Louis XV le comte de Horn, puis en secondes noces Dupin de Francueil, dont elle eut un fils Maurice Dupin qui fut le père de George Sand.[4]
  • L’hôtel de Madame Helvétius, construit en 1720, propriété du pastelliste Quentin de la Tour de 1770 à 1772, qui le vendit à Madame Helvétius qui y ouvrit le salon que son mari avait fondé à Paris, rue Sainte-Anne. Ce fut le Salon de la première société d’Auteuil avec l’Abbé Reynal, Turgot, d’Holbach, Condorcet, d’Alembert, Houdon, Diderot, Talleyrand, Destutt de Tracy, André Chénier, Roland et sa femme, Benjamin Franklin, Volney, et surtout Cabanis, son fils spirituel qui remplaçait pour elle un des deux fils qu’elle avait perdus, Cabanis, qui épousa à Auteuil en 1796 Charlotte de Grouchy, sœur de la femme de Condorcet. Madame Helvétius y mourut en 1800 à 81 ans et fut enterrée dans un caveau sous le pavillon de Cabanis. Elle en fut exhumée en 1817, lors de la vente de la propriété. Celle-ci fut achetée en 1854 par le prince Pierre Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, qui tua le 11 janvier 1870 Victor Noir, rédacteur à la Marseillaise. La maison fut reconstruite en 1871 après les bombardements de 1871 pendant la commune.
  • Le château du Coq, propriété du banquier Samuel Bernard, fut acheté en 1761 par Louis XV. Son dernier propriétaire fut le baron Erlanger qui morcela la propriété en 1862. La rue Erlanger actuelle traverse cette ancienne résidence royale.
  • L’hôtel de Boufflers était une grande propriété allant, du sud au nord, de la rue d’Auteuil à la rue Raffet, et, de l’ouest à l’est, du bois de Boulogne à la rue La Fontaine. Elle appartint d’abord au financier Étienne d’Aligre, puis devint en 1773 la propriété de Charlotte Campet de Saujon, veuve du comte de Boufflers, Rouverel, dame d’honneur de la duchesse d’Orléans et maîtresse du prince de Conti. À la mort de ce dernier en 1776, elle se retira à Auteuil avec sa belle-fille, la comtesse Amélie de Boufflers, où elle continua son Salon du Temple. Ruinées par la Terreur, ces deux dames de Boufflers moururent dans la pauvreté respectivement en 1800 et en 1825. La propriété achetée en 1822 par la duchesse de Montmorency fut revendue par ses héritiers en 1852 au banquier Pereire et à la Compagnie du Chemin de Fer de l’Ouest qui la morcelèrent. Une partie fut occupée par la voie ferrée du Chemin de Fer de Ceinture, et l’autre devint la Villa Montmorency lotie en 1854.
  • Le Grenier des Goncourt (67 boulevard de Montmorency), où se réunissaient avec les deux frères Jules et Edmond, Zola, Alphonse Daudet, Maupassant, Huysmans, Jules Janin, Murger Henri, Roger de Beauvoir et Théophile Gautier.
Maison de Boileau

Maison de Boileau

  • La maison de Boileau (26 rue Boileau), achetée par Boileau en 1685, et où il résida pendant 13 ans, appartint ensuite à Claude Gendron, oculiste du Régent, l’ami des pauvres, qui y habita jusqu’à sa mort en 1750, et y reçut souvent Voltaire. Elle appartint ensuite à la duchesse d’Ayen, à Chamfort, au général de Caulaincourt jusqu’en 1816. Elle s’étendait alors jusqu’au Hameau Boileau.
Hotel des Haricots

Hotel des Haricots

  • L’hôtel des Haricots, à l’angle des rues de Boulainvilliers et La Fontaine, ancienne maison d’arrêt des militaires de la Garde Nationale jusqu’en 1870, puis prison pour officiers pendant le Siège de Paris en 1870-71, enfin absorbée par la Préfecture de la Seine en 1875. Cette demeure fait partie de l’îlot Gros-Boulainvilliers en cours de rénovation et va donc vraisemblablement bientôt disparaître.[5]
Couvent de L’Assomption et château de la Tuilerie

Couvent de L’Assomption et château de la Tuilerie

  • Le château de la Tuilerie (25 rue de L’Assomption, ex-rue des Tombereaux) édifié au XVIe siècle fut un rendez-vous de chasse de François Ier. Il appartint ensuite au fermier général Grimod de la Reynière qui le légua à son fils, le célèbre gastronome. Reconstruit en 1782 par le marquis de la Tour du Pin Gouvernet il devint ensuite la propriété de la comtesse de Brienne qui y reçut Bonaparte Premier Consul et Joséphine après l’expédition d’Égypte. Le docteur Véron l’acheta en 1849, et le céda en 1855 à une congrégation d’ursulines de l’Assomption qui construisirent le couvent et affectèrent le château à un pensionnat pour jeunes filles. Cette propriété de 5 hectares fut enfin lotie en 1901, et depuis 1928, date de sa démolition, elle est traversée par les neuf voies nouvelles qui se trouvent sur son ancien emplacement.

Parmi les notabilités ayant habité le village d’Auteuil, on peut citer :

  • les sculpteurs Carpeaux et Pradier (qui avait eu une fille de Juliette Drouet) ;
  • François d’Aguesseau, Chancelier de France et son épouse Anne Lefèvre d’Ormesson, qui avaient été inhumés dans le premier cimetière d’Auteuil ;
  • le docteur Pierre Chardon, le médecin des pauvres, et ses deux fils, dont le second fonda avec sa femme, née Lagache, la maison de retraite Chardon-Lagache ;
  • Olympe de Gouges, arrêtée 4 rue du Buis en 1793 et guillotinée ;
  • le peintre François Gérard, et tous ceux déjà cités précédemment.

Quant à la plaine de Passy, extension vers le nord du village de Passy, qui devait donner naissance au quartier de la Porte Dauphine, elle n’était traversée au XVIIIsiècle que par deux routes : celle de Saint-Cloud allant de l’Étoile à la Muette, et celle de Saint-Denis allant de la colline de Chaillot au village de Neuilly. Ces deux routes se coupaient à un endroit qui deviendra la place Victor Hugo après de multiples changements de nom. Les autres voies n’étaient que des chemins : de Longchamp, de la Croix-Boissière, de la Pompe, de la Faisanderie, du Bel-Air, etc.

Nivellement du Trocadéro

Nivellement du Trocadéro

La colline de Chaillot ne fut aménagée et son niveau ne fut abaissé qu’à la fin du XIXe siècle (Exposition de 1881, Trocadéro). Ce quartier connut un développement considérable au XIXe siècle, et dès 1850, une chapelle est prévue à la place Victor Hugo (ex-place d’Eylau) : ce seront les débuts de la nouvelle paroisse de Saint-Honoré d’Eylau. Quant à l’avenue Foch (ex-avenue de l’Impératrice, puis du bois de Boulogne) elle ne date que de 1854 (Haussmann), ainsi que le tracé définitif de la place de l’Étoile et que l’avenue Kléber appelée précédemment boulevard de Longchamp continué par le boulevard de Passy, après s’être appelée avenue du Roi de Rome en souvenir de l’Aiglon (Edmond Rostand). Rappelons à ce sujet que Napoléon Ier avait prévu de construire, pour le petit Roi de Rome, un Palais au Trocadéro.

La pompe à feu de Chaillot

La pompe à feu de Chaillot

La pompe à feu de Chaillot, rappelée par la rue des Frères Périer, et mise en service en 1781 pour élever l’eau de la Seine jusqu’à la colline de Chaillot, est finalement prise en charge par l’État et prend de l’importance sous le Second Empire, avec l’ingénieur Belgrand, pour alimenter le Grand réservoir de Passy, qui comporte finalement six réservoirs (entre les rues Copernic, Lauriston et Paul Valéry). Cette ancienne usine de Chaillot, démolie en 1902, fut remplacée par l’usine d’Auteuil, toujours en service. Quant au village de Chaillot, nous avons déjà dit qu’il provenait de l’extension du premier village de Nigeon, qui appartenait au VIIe siècle à Bertram, évêque du Mans, qui le tenait d’une donation de Clotaire II. Ce village, dont le centre se trouvait au pied de la colline de Chaillot, fut légué à l’évêque de Paris et s’étendit vers Paris pour devenir le village de Chail, réuni ensuite au domaine du Roi. Le premier document mentionnant Chaillot est une bulle du Pape Urbain II datant de 1097. Ce village s’appela ensuite Chailloël, puis en 1393 Challuyau-lès-Paris, et on peut penser que le radical Chail est l’appellation celtique de forêt, bois, rappelant le défrichement qui est à l’origine du lieu. C’est de Chaillot qu’en 1589 Henri IV dirige le siège de Paris, et sous Louis XIV Chaillot est érigé en faubourg de Paris, sous le nom de Faubourg de la Conférence.

En 1784, le Mur des Fermiers Généraux englobe la plus grande partie de Chaillot, le surplus étant incorporé à la commune de Passy. La rue de Chaillot a une ancienneté de plus de douze siècles, et a conservé jusqu’en 1865 l’aspect d’une grande rue de village. Rappelons que c’est aux abords de la pompe à feu de Chaillot que l’américain Fulton reprenant les essais malheureux, en fin du XVIIIe siècle, de notre compatriote le marquis de Jouffroy d’Abbans, fit les premières expériences sur la Seine de son bateau à vapeur (1803), et que le Premier Consul refusa la proposition de Fulton de céder son invention à la France.

Le Domaine de Nigeon (entre les rues Beethoven, le Nôtre et le boulevard Delessert) était une possession des ducs de Bretagne dès le XIIIe siècle. Il fut donné en 1493 par la Reine Anne de Bretagne aux Religieux Minimes, ordre fondé en Italie par Saint-François de Paule, et devint sous François Ier le Couvent de Nigeon (ou des Bonshommes de Chaillot). Il fut supprimé en 1790 et la chapelle détruite en 1792. De nos jours, Chaillot est devenu un des centres d’art et de pensée de la Capitale : ses musées s’y côtoient en un rayonnement prestigieux que l’étranger nous envie.

Église du couvent des Bonshommes

Église du couvent des Bonshommes

Rappelons, pour terminer, l’histoire du Bois de Boulogne, puisque celui-ci fut annexé à Paris en 1925, et incorporé au XVIe arrondissement en 1929. Il constitue l’un des vestiges de l’ancienne et immense forêt de Rouvray (Roveritum pour les Romains) s’étendant au nord et à l’ouest de la Lutèce gauloise. Vers l’an 500, on y chassait l’ours, et plus près de nous le loup et le sanglier.

Château de Madrid

Château de Madrid

L’église Notre-Dame de Boulogne fut construite en 1308 sur l’ordre de Philippe le Bel, au retour d’un pèlerinage à Boulogne-sur-Mer, dans une clairière de la forêt. En 1474, Louis XI confie à Olivier le Daim la garde des garennes du Bois. En 1528, François Ier, qui venait de faire bâtir le château de Madrid, prescrit de peupler le bois de cerfs et de chevreuils. En 1556, Henri II le fait entourer d’une muraille percée de huit portes, dont la porte Mahiot (Maillot). Sous Louis XIV le bois est aménagé, mais c’est un lieu de chasse interdit au peuple. C’est Louis XVI qui, à son avènement, permet qu’on y entre librement. Très abîmé sous la Révolution, il fut embelli sous Napoléon Ier, mais de nouveau saccagé en 1815 par la soldatesque ennemie. Charles X entreprit sa remise en état, mais ce n’est qu’en 1853, sous Haussmann, que l’ingénieur Alphand lui fait subir les plus heureuses transformations en y créant 70 km de routes sinueuses, deux lacs et la grande cascade alimentée par le puits artésien de Passy (fontaine du square Lamartine).

Bagatelle, 1906 : Santos-Dumont volant en biplan

Bagatelle, 1906 : Santos-Dumont volant en biplan

On ne peut évoquer le Bois de Boulogne sans rappeler enfin d’une part la pelouse du château de Bagatelle (reconstruit en quelques semaines par le comte d’Artois pour y recevoir Marie-Antoinette en 1772), où eurent lieu les premiers essais de navigation aérienne en particulier par le Brésilien Santos-Dumont (en dirigeable, puis en biplan le 13 septembre 1906), et d’autre part l’ancienne abbaye de Longchamp créée en 1256 par Saint-Louis, et démolie en 1795, ainsi que le cimetière de Longchamp qui serait peut-être celui de l’ancienne abbaye et remonterait donc à 1261. Le Moulin de Longchamp, reconstruit, était en face de l’entrée de l’abbaye.

Michel TABARIES DE GRANDSAIGNES
Ancien secrétaire général de la SHAP (1981-1989)

Extrait du Bulletin de la Société Historique d’Auteuil et de Passy, tome XV, numéro 132, pages 40 à 54.


[1] Nous ne reprenons pas l’histoire de l’hôtel de Valentinois et de ses différents propriétaires, cette histoire ayant été écrite à diverses reprises dans les Bulletins anciens de la SHAP et en particulier dans le dernier fascicule paru fin 1980 (tome XV – n° 2) consacré au séjour de Franklin à Passy.

[2] L’histoire de l’hôtel de Lamballe a été décrite également dans différents Bulletins de la SHAP. Cet hôtel est actuellement le siège de l’Ambassade de Turquie et son entrée principale est rue d’Ankara.

[3]Le financier Samuel Bernard dépensa 300 000 livres pour embellir cette propriété avant d’y installer son ancienne maîtresse madame de Fontaine qui fut Dame de Passy jusqu’à sa mort en 1740. Signalons, pour la petite histoire, qu’un grand portrait de madame de Fontaine se trouve au château de Villeconin (Essonne).

[4] - L’hôtel des demoiselles de Verrières, dont la façade arrière donne sur la rue d’Auteuil (n° 43 à n° 47) a subi de multiples vicissitudes et a vu disparaître son théâtre et la plus grande partie de ses jardins. Il a été décrit, lui aussi, dans des livres et dans différents Bulletins de la SHAP, en particulier dans des lettres de madame Adams épouse du futur deuxième Président des États-Unis et mère du futur sixième Président des États-Unis. La traduction de ces lettres a paru dans le Tome XV n° 2 du Bulletin de la SHAP paru fin 1980. Cet hôtel de Verrières fut la propriété de la Compagnie Française des Pétroles (TOTAL) qui a construit dans le parc de nombreux bâtiments de bureaux qui s’étendent de la rue Michel-Ange jusqu’au fond de la propriété et à la rue Boileau. Il est actuellement occupé par le CNRS. Néanmoins, cet hôtel reste le Joyau d’Auteuil.

[5] - C’est, en effet, aujourd’hui le conservatoire Francis Poulenc.